La Pause Brindille œuvre chaque jour pour la reconnaissance et l’aide des jeunes aidants de proches malades, des oubliés de la société. Le Tribu Brindille Festival aura lieu le 2 juillet prochain à la Station Mue à Lyon pour leur apporter davantage de visibilité et de soutien.
« Les jeunes aidants, c’est une zone aveugle des politiques publiques de santé ». Axelle Enderlé crée en 2019 une association, La Pause Brindille, pour lever le voile sur le fardeau porté par les jeunes aidants. Ces enfants et adolescents, âgés de 8 à 25 ans, vivent avec un parent, un frère, une sœur ou un compagnon malade, et mettent souvent leur vie de côté pour les épauler.
Pour La Pause Brindille l’objectif est de répondre aux besoins encore non couverts de ces jeunes. Ils n’ont pas les mêmes besoins que les aidants adultes qui sont, pour leur part, reconnus par la politique publique. L’association travaille tous les jours pour que les jeunes aidants soient reconnus, pris en compte et valorisés. Ils doivent être soutenus, épaulés et doivent avoir accès aux aides existantes pour conserver une bonne santé physique et morale. « Pour pouvoir profiter de leur jeunesse, ils doivent mener une vie scolaire, sociale et familiale épanouie », martèle la fondatrice de l’association.
Au quotidien, ils proposent plusieurs actions afin de donner la parole à ces oubliés de la société. Le service « Brind’écoute » est organisé trois jours par semaine. Un bénévole ou un employé de l’association écoute attentivement et sans jugement les jeunes qui auraient besoin de se confier, par SMS, appel ou via les réseaux sociaux. La Pause Brindille développe également sa communauté, la « Tribu Brindille », pour que les jeunes touchés par la maladie d’un proche sachent qu’ils ne sont pas seuls et que des aides existent. Les « Brind’partages » sont l’occasion pour eux de se rencontrer, par tranches d’âges, et d’échanger sur leur quotidien.
Le sort réservé aux jeunes aidants de proches malades, un sujet émergeant
Il n’existe pas de repérage national ou régional de ces jeunes qui ont un ou plusieurs proches qui souffrent de problèmes mentaux, qui sont en situation de handicap, qui sont malades ou qui sont parfois des addicts. Une étude de l’Université Paris Descartes ADOCARE estime à 1 000 000 le nombre de jeunes aidants en France. Ils seraient donc 3 ou 4 par classe au lycée en moyenne. Pourtant, une seule étude française a été menée sur le sujet. L’enquête Novartis-Ipsos de 2017 montre que 75 % des jeunes aidants se sentent fatigués, 53 % d’entre eux affirment ne pas pouvoir profiter de leur jeunesse et 46 % évitent que leurs copains ne viennent à la maison.
Le problème a émergé chez nos voisins européens. L’Angleterre est précurseur en la matière et a mené des recherches selon lesquelles un jeune aidant sur deux serait en décrochage scolaire, selon la directrice de La Pause Brindille. « On ne comprend pas toujours ce que c’est que d’avoir un malade à la maison. Le soir quand ma mère souffrait ou rentrait d’une opération, j’avais mieux à faire que de faire mes devoirs », témoigne Constance, étudiante de 23 ans à l’ENS, et jeune aidante de sa mère atteinte d’une maladie génétique rare.
« La Pause Brindille offre une meilleure visibilité sur ce qui est difficilement dicible. Il n’est pas simple de se considérer comme jeune aidant », affirme l’étudiante qui a choisi de réaliser son mémoire de Master 2 sur ce que sont devenus les anciens jeunes aidants. Après 18 entretiens de sciences sociales passés avec eux, elle s’est rendu compte que très peu ont conscience d’être de jeunes aidants. Constance en était elle-même une, mais elle ne s’en est aperçue qu’après avoir commencé à rassembler la littérature et les témoignages autour du sujet.
Le terme de « jeune aidant » n’est pas toujours significatif. Certains estiment qu’ils ne sont pas aidants, ne pouvant pas toujours œuvrer physiquement ou financièrement pour leurs proches. Pourtant, ils ont souvent la charge de tout ce qui relève de la logistique, notamment les courses pour la semaine, et sont un soutien moral sans faille.
« Je ne me suis jamais sentie légitime à demander de l’aide. On n’ose plus demander : et moi ? »
« Ça m’a sortie de l’isolement. J’ai compris que ce que je vivais était difficile et que je n’étais pas la seule », confie Dana, 25 ans, étudiante en école d’architecture. Elle est également jeune aidante. Jusqu’à ses 18 ans, elle a grandi en retrait pour laisser la place à son petit frère, autiste non verbal, et lui a apporté de l’aide tout au long de sa vie. Elle est allée à une rencontre organisée par La Pause Brindille en voulant soutenir les jeunes aidants, avant même de réaliser qu’elle en était une aussi.
Pour que d’autres jeunes puissent comprendre et souffler par rapport à leur situation difficile, La Pause Brindille a décidé d’organiser le Tribu Brindille Festival. Le samedi 2 juillet se tiendra cet événement à la Station Mue à Lyon pour les jeunes aidants de 8 à 25 ans, avec pour seuls mots d’ordre : JOIE, EXPRESSION, SOUTIEN. L’association offre cette journée de répit aux jeunes. Une journée qui se veut festive et basée sur l’échange pour que chacun puisse entendre qu’il est un aidant à part entière. « J’espère que grâce à cette journée les jeunes se sentiront valorisés dans leur rôle et leur engagement. Mais, j’espère aussi que les médias pointeront du doigt ce sujet invisible et dont il est important de parler », affirme Axelle Enderlé.
Le projet de La Pause Brindille a été inscrit dans les priorités de la métropole de Lyon qui le soutient, aussi bien de manière financière que pratique, en offrant notamment des espaces pour se rassembler. Aussi de nombreuses entreprises « ont osé » apporter leur pierre à l’édifice de façon pécuniaire et massive, comme le Crédit Agricole et Apicil, qui estiment que les jeunes aidants ne sont pas assez soutenus, notamment pour leur futur.
Anna Conings-Khelifa
Journaliste à ITW
Discussion à propos de post